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Jude Stéfan
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Que ne suis-je Catulle ; en ces presque 80 poèmes
Jude Stéfan
- GALLIMARD
- Blanche
- 25 Février 2010
- 9782070127498
« court paradis perdu coupable de Mort.
Je ne puis aller au père.
Mais aux filles et au vin.
La loi m'y condamne hélas.
Depuis Adam le glébeux.
Que dégrossit Ève le.
Serpent la tentant à.
L'oreille de sa bifide langue.
En quel idiome ? Il rampe.
Ainsi que débout j'erre.
En mes décombres.
Couleur muraille.
Que l'on rase ».
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Le titre indique, dit l'auteur lui-même dans Dialogue des Figures, à propos de La Jeune Parque de 1917, la distance entre deux jalons marquant la continuité historique : du poème jadis unifié aux disjonctions du titre multiplié et se référant, par antiphrase, à la désuétude poétique même, «résidu romantique d'une technologie littéraire du passé», comme la définissait naguère N. Schoffer. Après des Dédicaces d'ouverture à la Parque même, celle qui épargne encore, dix Hommages à de semblables efforts solitaires - E. de Guérin aussi bien que Giacomelli - précèdent Titres, concession à la lecture apprise, puis Odes à Pascin, d'inspiration non pas «érotique» mais charnelle, enfin Stygiennes, pièces finales emportées au fleuve d'oubli. L'Envoi signe le salut à tous ces «Ils» que restent les poètes dans la bouche d'autrui.
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« En six nouvelles, un Idiot de village offrira cette particularité d'aussi bien incarner un Professeur extasié, une Adolescente perplexe, des Soeurs perdues, qu'un Aveugle aimé, un Utopiste comblé, un Obèse transi, un Amant rompant, enfin un Suicidant définitif : de la Littérature, c'est-à-dire une Idiotie première. » Variations dans ces nouvelles désabusées sur les thèmes chers à l'auteur : le temps, la mort, le suicide, la vieillesse, la femme toujours, amante, prostituée, soeur, mère, l'amour charnel et la littérature encore comme ultimes refuges contre l'ennui existentiel. Au service de ce cynisme dont l'humour n'est pas exclu, une langue admirable, à la syntaxe abrupte, syncopée. La voix - grinçante, acide, tendre aussi - d'un des plus grands poètes et nouvellistes actuels.
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«arbres blancs arbres de mai vos roses en beauté vos neiges explosent hâtivement comme ausone et malherbe qui morts têtes sans force dans leur nuit foulent le pré des blanches asphodèles la Vieille Parque parmi les ruines y trébuchant ramasse leurs derniers mots les ultimes joyaux avec un râteau pour blason si nous aimer dressés diffère de couchés, Euphrasie, beau prénom à prendre à f... une petite croix endeuille ton nom une tombe fraîche cueillons vite la nuit un chien nommé Vieux Soleil y signera le ciment de sa pisse arabesque en nitchevoque alias carpe diem» (in Dédicaces à la Parque)
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Entre les critiques courtes (scholies) et les longues (chroniques catoniques), ces Xénies ou brefs essais variés - du Sens au Contemporain, de l'être tombal au Pied footballeur, du Sein à la Note, de la Peinture à la Mise à mort - offrent un autoportrait portant reconnaissance aux intercesseurs tels Rimbaud, Grosz, Barthes, Blanchot, Perros, Ponge, entre autres, selon le sens même du mot grec.
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«trois Lits reposent en ma demeure le Mortuaire où l'on sera sauvé le lit de Malade où l'on vous choyait le Solitaire où lire oublié l'une chambre longtemps reste close l' autre attendant votre fin ultime abandonnée aux Bibles : de vrai il n'est que tombe et cendres la vie ne nous prêta qu'insanité l'art n'est que des grands Seuls»
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Disparates, ces poèmes le sont moins que l'auteur veut bien le dire. Car une vraie homogénéité se dégage de l'ensemble, qui tient à la voix singulière du poète, à sa stylistique ainsi qu'à sa fidélité aux thèmes qui fondent sa poésie : l'amour, la beauté des femmes, la pitié pour les chiens, la mort et les hommages aux maîtres anciens.
Disparates, ces poèmes ne le sont que comme les instants ou les éclats d'une vie vécue et écrite dans la fidélité à soi-même. De là cette franchise et cette crudité du trait qui caractérisent l'oeuvre poétique de Jude Stéfan.
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A Z E R T Y U I O P midi la sirène février pour en baver par les seins d'Agathe & par saint Lazare devenu grande gare immense hangar pour ombres passagères précipitées flâneuses On ne mourra de la neige mais subitement par rupture après livre de mars qui fit son nom en octobre le père avait sailli la mère au premier étage au-dessus de la route balayée des phares y crépiteraient l'Underwood l'Olivetti (Extrait des Mois.)
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«Tant de cris pour naître Tant de souffle à mourir entretemps la folie souffrante entre guerres et dieux odieux vaguant dans les ricanements de maquerelles aux ports mais toi accablée sous les câlines ô Triumvirs d'amour toi qui fleures à la fois vergers et la forêt Sylvie-Rose trop tard j'irai relever les falaises qui nous infligent leurs siècles varechs et lichens noircissent nos espoirs roule la mer son énorme vacarme funèbre alors alourdis nous couchons nos os au lieu d'y danser en deux soeurs très distantes»
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Dix nouvelles : dix niveaux extraordinairement différents dans la pensée, l'analyse, la vérification psychologique, permettant à l'auteur de La Vie de mon frère le déploiement baroque, intimiste, morbide et sarcastique de son talent. Qu'il s'agisse de La Crevaison où nous saurons tout sur la solitude d'un vieil homme obsédé par sa fille absente ; du Nettoyeur de tranchées qui nous propose les fantasmes les plus féroces et les plus saugrenus d'un enfant prédisposé au crime ; d'Une journée sans homme où le narrateur passe par les jeux d'un érotisme dément avant de retrouver sa femme, l'unité du ton est musicalement assurée à travers une volonté glacée de distance, de cruauté et d'humour. Atteindre ainsi les secrets les plus inavouables de la sexualité ou de la mort devient, grâce à l'outil visionnaire de l'écrivain, une authentique et sombre oeuvre d'art.
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«aux Gyrovagues à la fourbure du cheval profitons des trois w wein weib würfel vin femme et les dés (ô poëshies de Frédéric II !) Goliards ou Vagants qui chantiez en latin-allemand stetit puella rufa tunica eia ! riez-vous des choses dernières dieu, le jugement avant que le vent ne couche le Vieillard lui soit épargnée l'agonie urémique ! Le terme de Caprices (Capricci, *kep, couper) désigne en tout art les oeuvres qui allient, au pur gré de l'auteur, dans leur architecture, la fantaisie à la réalité - ainsi les ruines dans les paysages. (Dictionnaire étymologique Labrune)» Jude Stéfan.
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Pandectes : Recueil de lois constitué sous Justinien au VIe siècle. Ici Commentaires: sorte de Bréviaire laïc ou Lexique partial figurant un résumé, par entrées électives, des dégoûts, refus, appropriations, rencontres, affinités d'un esprit critique lors de son parcours mini-baylien de Lecture-Littérature.
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«éphéméride au pire du Temps à Noël un 25/12/1773 deux soldats se tuèrent de compagnie dans une auberge à Saint-Denis après avoir ensemble dûment bu et rédigé leur testament puis posté quatorze lettres d'adieu avec courage qui se nommaient par bonheur Humain et Bordeaux vive la vie vive la mort !» Jude Stéfan.
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«Le vieux renne va mourir au cimetière des noms propres où la douleur ne connaît ni jour ni nuit un cerveau plissé la volonté de l'eau à rester pâmé devant tes hanches Donneuse de sang as- sise au fond du car, Poésie avec poèmes Poèmes sans poésie»
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Comme la plupart des écrivains Jude Stéfan vit avec entre les mains des livres et un carnet. Le projet de Ménipées est tout à fait nouveau dans son oeuvre : le premier « journal d'écriture ». Stéfan donne là un livre unique en son genre, « p(r)o(so)ésies », nourri de pensées personnelles, de citations relevées dans ses lectures ; mais surtout de proses et de poèmes inédits, écrits sur le vif, nés de ses rencontres et cheminements dans l'écriture, celle des autres et la sienne. Ménipées ouvre le secret de l'atelier d'écriture de cet auteur toujours novateur et résolument singulier. Le livre d'entretien Jude Stéfan donnait des clés pour comprendre une vie et une oeuvre, Ménipées prolonge, enrichit et révèle ses écrits par l'écriture même.
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«sur un x on scie du bois comme l'esse orne l'armoire ou Ixion sur sa roue indiquait de sa baguette Mlle Juliette le z virage mortel le a la plus noire le v la plus violente h est un couple d'amants j un croc t le gibet f le fa g le penseur k l'étrangère l lion couché n l'innomé w les mammes lors sonna la cloche pour le devoir demain inventer nos oeuvrettes p père-le-dieu q de dos le chat par exemple, etc...» (Extrait de Poésie pire)
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« Ici s'agit de satires, moralités, humanités, humoresques, humeurs, acides, amers, suicides d'un agoniste et d'anti-pensées, de salubrités. Ici s'agit de manuel pratique, vade-mecum, enchiridion d'un adolescent de quinze à vingt-cinq ans. » Le premier livre de Jude Stéfan, perdu, réécrit, et enfin publié vingt ans plus tard, est un livre de morale, une sorte de « poignard de défense » à porter avec soi.
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" Un Saint : qui vit selon la perfection du Néant en une donnée profane vouée à nudité, vengeance, inimitié, duel, collection de dates, camaraderie, agonie même relatés en style sec ou à l'occasion trivial afin de répondre au pire et diversifié quant à la facture - histoire, conte, récit, lettre, nouvelle, alternant en dix Variations ".
J.S.
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" y no quiero inventar o que no se ", je n'aime pas inventer ce que j'ignore, écrit borges (el cautivo), marquant ainsi le seuil ambigu de la nouvelle, entre vraisemblance et créativité.
Cinq nouvelles amoureuses (la pharmacienne, une pléiade, la tante olga), quatre funèbres (oraison funeste), une dialoguée en leur centre même, pour un ultime effort d'oraison - ou assemblage de mots construits selon les règles du genre, " une chose pour laquelle on n'était pas né " (musil). j. s.
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Vieillardise, la Bibliomanie, l'Anglicisme, enfin la Mort même en personne ou accomplie dans une vie captive. " J. S.
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Présente dans toute l'oeuvre, l'idée de la mort, depuis toujours hante Jude Stéfan. Elle ne le quitte plus aujourd'hui. Après son recueil Désespérance, déposition, publié en 2006 aux éditions Gallimard, Stéfan se disait arrivé au bout de sa vie d'écriture poétique. Sa vitalité le contredit. Il entreprit d'écrire un « dernier » long poème : Les Commourants. Lente litanie anthume, que l'homme solitaire et vieillissant déploie au rythme d'un flux vital sans retour, avec ses pulsations, ses élans, ses stases. Si Jude Stéfan reste sans conteste, par sa langue et son esthétique, le plus contemporain des poètes vivants, c'est aussi près de François Villon, dans la grande tradition des complaintes, que s'inscrit ce texte.
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Rimbaud et Lautréamont : Evolution de deux destins poétiques (ou : du génie au silence)
Jude Stéfan
- L'Etoile Des Limites
- 31 Mai 2023
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