L'islamisme constitue t-il une rupture avec l'islam comme cela est souvent défendu ou n'est-ce que le prolongement mécanique voire le bras armé de l'islam ?
Avec la rigueur et la passion du professeur reconnu, Marie-Thérèse Urvoy montre combien, et de manière constante à travers l'histoire, le problème prend sa source au plus profond du Coran dans une tension permanente entre visée spirituelle et ambition d'emprise sur le monde.
Sans détour l'auteur démontre qu'entre islamistes modérés et islamistes violents, il n'y a aucune différence d'intention mais seulement de moyens utilisés.
L'enjeu est alors de savoir si l'Islam est en mesure de se réformer de manière à concilier son ordre inhérent avec les idéaux de ce temps. C'est là tout l'enjeu car sans remise en cause du dogme lui-même selon lequel le Coran est "la parole même de Dieu", il n'y aura pas d'évolution possible nous précise-t-elle avec lucidité et toute la sagesse de ses connaissances.
S'il est inéluctable que les circonstances mettent l'orientaliste au contact de sujets très variés où l'aspect littéraire n'est pas le seul en présence, doit-on se contenter de ce caractère fortuit ? N'y a-t-il pas là une voie méthodologique spécifique à creuser ? Communément l'islamologue a toujours tranché les questions de sens et d'interprétation, et le littéraire a travaillé les formes d'écriture, le rythme de la langue et l'innovation dans l'expression.
Il y a là une espèce de dialectique entre le "technicien" et 1'"artiste" qui rappelle celle du "principe de réalité" et du "principe de plaisir" de la psychologie des profondeurs. L'histoire comparée de l'islamologie et des disciplines linguistiques et littéraires, depuis le XIXe siècle, nous a installés dans cette dichotomie où aucun espoir de transversalité ni de simple passerelle n'est offert ou même suggéré.
Depuis trop longtemps, c'est sur une sorte de gnose du langage qu'islamologues et littéraires ont assis leur magistère. Chacun s'activant dans son champ, ils en ont oublié le principe fondamental dans l'immense univers des humanités : la mise en perspective de chaque domaine par rapport à l'autre. Le raffinement littéraire d'une part, et la complexité islamologique de l'autre, ne devraient pas faire l'objet d'un rejet de communion active des deux, mais plutôt d'un déplacement de l'un vers l'autre.
N'est-il pas possible de rapprocher davantage l'islamologie de la littérature (si spécifique en arabe) ? de mettre au service de la littéralité du texte-source de l'islamologue tous les procédés de la langue-cible du littéraire ?
Qu'est-ce qui définit fondamentalement un musulman ? Qu'est-ce que l'islam ? Qu'est-ce que le fait islamique ?
Alors que l'islam est de retour depuis quelques décennies sur la scène du monde, nous restons encore dans l'incapacité d'analyser cette forme de vie qui concerne pourtant plus d'un milliard d'êtres humains. C'est que, affirme Marie-Thérèse Urvoy, le terme « islam » recouvre à la fois une civilisation et une religion.
Or, de même que la chrétienté, tout en se réclamant du christianisme, le débordait largement et englobait nombre de traits fort peu chrétiens, de même l'islam a regroupé des pays qui, tout en se référant à la religion islamique, ont adopté bon nombre de coutumes fort éloignées de la seule foi.
La grande islamologue Marie-Thérèse Urvoy débrouille dans ce maître-ouvrage cet écheveau : explorant toutes les facettes de cette religion-civilisation, sans jamais porter de jugement, elle découvre au lecteur attentif un univers gigantesque, océan de quatorze siècles où s'allient, se croisent et parfois se contredisent foi, traditions, coutumes et théologie.
Un ouvrage indispensable.
La tentation est forte de mettre les grandes religions monothéistes sur un pied d'égalité dans leurs pratiques d'expansionnisme religieux, que celles-ci relèvent du prosélytisme religieux ou de la conquête territoriale. En les renvoyant dos à dos, on conduit à leur imputer une commune responsabilité dans les conflits actuels sans chercher d'éventuelles différences dans les révélations qui fondent ces traditions religieuses.
Il est difficile de rendre compte de la complexité du processus de conquête tel qu'on le rencontre dans le monothéisme et des spécificités de cette notion dans le christianisme et dans l'islam. Difficiles et douloureuses, les interrogations sont souvent éludées. C'est peut-être une raison pour laquelle la notion de conquête a peu été étudiée en histoire et en théologie des religions. En attendant la victoire définitive de la grâce divine dans les coeurs et dans le monde, les contributions rassemblées ici éclairent cette notion.
L'analyse de la place de la religion dans l'identité et le fonctionnement de l'ordre social dépasse largement les questions d'actualité, si dramatiques soient-elles. La cohabitation dans une même société de plusieurs religions concurrentes - et dont les dogmes sont susceptibles d'être incompatibles - est compliquée par le fait que celles-ci peuvent ne pas prescrire les mêmes conduites à leurs fidèles. Or quand la loyauté fait défaut (si la dissimulation, voire le mensonge délibéré sont autorisés), quand la réciproque (dans l'exercice du culte ou la liberté de la conversion) n'est pas pratiquée, quand l'usage de la force est permise (non pas seulement par légitime défense mais comme instrument de conquête), aucune relation de confiance n'est véritablement possible. L'ordre social est alors réduit à des rapports de force.
Ont contribué à cet ouvrage : Mohammad Ali AMIR-MOEZZI, Guillaume BERNARD, Michel BOYANCÉ, Peter BRUNS, Mgr Pierre DEBERGÉ, Edouard DIVRY o.p., Istvan KRISTÓ-NAGY, Heinz Otto LUTHE, Amal MAROGY, Miklós MARÓTH, Hoda NEHMÉ, Antoine NOUJAIM, Hamadi REDISSI, Luc-Thomas SOMME o.p. , Dominique URVOY, Marie-Thérèse URVOY, Philippe VALLAT
Quel est le statut des préceptes moraux présents dans les textes sacrés des grandes religions ?
De multiples difficultés apparaissent rapidement. Bible et Coran, pour nous limiter à ces livres, remontent à des périodes lointaines et portent la marque d'époques où les conditions de vie étaient très différentes des nôtres.
Un bon nombre des questions difficiles d'aujourd'hui ne trouvent pas de réponses claires dans ces textes : questions de bioéthique, de morale sociale, du travail, ou traitant de la violence ou du terrorisme, des relations internationales, du système bancaire et de tant d'autres questions nouvelles.
Dans tout ces cas, faut-il encore se référer aux textes sacrés et, si l'on y répond positivement, comment s'appliquent-ils ?
C'est l'une des questions délicates que les Actes de ce colloque peuvent contribuer à éclaircir. Car en définitive, jamais la dimension morale ne peut être isolée de la conception que présente chacune des religions de la relation entre Dieu et les hommes.
Ont contribué à cet ouvrage : P. Bruns, Mgr P. Debergé, H. Didier, E. Divry, N. Dura, I. Kristó-Nagy, M. Maróth, H. Nehmé, A. Noujaim, H. Rédissi, L.-TH. Somme, M.-Th. Urvoy
Marie-Thérèse Urvoy a réuni des études de théologiens et islamologues sur les compromis et concessions à l'islam.
Le père M.-B. Borde analyse les ambiguïtés de la modernité politique.
B. Sutor constate que l'église peut faire valoir l'éthique chrétienne dans un état libéral laïque.
M.-T. Urvoy montre comment un laïcisme militant abouti à rendre le problème religieux incontournable.
Le père E. Divry montre que la réciprocité religieuse relève de la justice.
M. Maroth, dans une étude comparée du vocabulaire politique du christianisme et de l'islam, souligne la spécificité de l'idée de parti dans l'islam.
D. Urvoy se demande si le concept de secte n'est pas manipulable.
H. Didier donne un exemple de manipulation du religieux par le politique dans l'Inde du XVIe siècle.
A. Noujaim décrit l'approche irénique de l'islam par un évêque maronite du XVIIe siècle.
Y. de Crussol analyse les aboutissants du statut juridique des juifs au Yémen du XVIIe siècle.
Alors que les musulmans revendiquent d'être reconnus comme tels et justifient religieusement les signes distinctifs qu'ils affichent, il est nécessaire de connaître exactement le support spirituel et dogmatique de leur identité. Des formules telles que « l'amour de Dieu » ou « l'amour du prochain » ont des sens différents selon les traditions respectives des chrétiens et des musulmans. Cet Abécédaire permettra de savoir ce qu'il y a réellement sous les mots employés et d'éviter ainsi tout malentendu. Si l'équivoque paraît souhaitable à certains pour une politique à court terme, elle ne ferait qu'empoisonner une coexistence à long terme.
L'idée que le Coran constitue un miracle, par sa perfection littéraire mais aussi parce qu'il contiendrait toutes les sciences et toute la réalité du passé et de l'avenir, est pour les musulmans un élément essentiel de leur foi, de leur théologie et de leur histoire. C'est la raison pour laquelle l'islam actuel opère un vaste mouvement apologétique du Coran, par l'édition et l'informatique, qui utilise beaucoup le thème de l'extraordinaire et du miraculeux. Ce livre interroge tous les aspects de ce mouvement, tels qu'ils se sont manifestés et qu'ils se manifestent aujourd'hui, sur les plans de la langue, de l'histoire, du dogme et de la psychologie. Une enquête prodigieuse menée par deux islamologues reconnus.
Entretiens avec Louis Garcia et Marie-Thérèse Urvoy, professeur d'islamologie, à propos de l'islam et de son interraction avec la religion chrétienne et la société laïque.