Eugène Ionesco
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«Ce sont eux qui sont beaux. J'ai eu tort ! Oh ! comme je voudrais être comme eux. Je n'ai pas de corne, hélas ! Que c'est laid, un front plat. Il m'en faudrait une ou deux, pour rehausser mes traits tombants. Ça viendra peut-être, et je n'aurai plus honte, je pourrai aller tous les retrouver. Mais ça ne pousse pas ! (Il regarde les paumes de ses mains.) Mes mains sont moites. Deviendrontelles rugueuses ? (Il enlève son veston, défait sa chemise, contemple sa poitrine dans la glace.) J'ai la peau flasque. Ah, ce corps trop blanc, et poilu ! Comme je voudrais avoir une peau dure et cette magnifique couleur d'un vert sombre, une nudité décente, sans poils, comme la leur !»
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«Mme Smith : Tiens, il est neuf heures. Nous avons mangé de la soupe, du poisson, des pommes de terre au lard, de la salade anglaise. Les enfants ont bu de l'eau anglaise. Nous avons bien mangé ce soir. C'est parce que nous habitons dans les environs de Londres et que notre nom est Smith...»
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Pour expliquer le succès du Roi se meurt, on a dit que c'est un classique. Il montre l'homme ramené à sa condition fondamentale. Donc à l'angoisse devant la mort. Cet homme qui parle avec les accents du roi Lear est néanmoins notre contemporain. Il est tellement notre contemporain que son histoire - une existence qui a oublié ses limites - reflète exactement la célèbre «crise de la mort» qui secoue l'Europe de l'après-guerre. Le Roi se meurt n'est pourtant pas une pièce triste. D'abord, parce que l'humour n'y est pas absent. Ensuite, et surtout, parce que Ionesco propose les remèdes pour sortir de la crise. C'est également cela, une grande oeuvre classique : une leçon de dignité devant le destin.
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Au départ, la situation n'a rien que de très naturel. Un professeur accueille sa jeune élève pour des cours particuliers. Elle apprend ce qu'on lui enseigne. Le professeur est obséquieux et son élève espiègle : c'est dans l'ordre des choses. Pourtant, très rapidement, cette mécanique familière se détraque et s'emballe.Frustré par les lacunes de son élève, le professeur se fait de plus en plus exigeant. Des présentations galantes, on passe à l'arithmétique, à la linguistique, puis à l'hypnose. La leçon tourne à la leçon de choses. Peu à peu, l'élève abrutie devient femme-objet, et la mécanique poursuit encore et toujours son accélération.Parodie de l'apprentissage répétitif, cette Leçon sous tension est aussi la satire de toute relation d'autorité. Loin d'être l'instrument de la connaissance, le langage s'y révèle l'alibi d'un pouvoir absurde et pervers, d'un engrenage pulsionnel qui tourne à vide, guettant sa prochaine proie.
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Tout le monde la connaît. Peu peuvent l'expliquer. C'est ce que fait à merveille Emmanuel Jacquart, éditeur du Théâtre de Ionesco dans la Bibliothèque de la Pléiade. Il commence par retracer l'historique, la genèse de la pièce, à partir de L'anglais sans peine de la méthode Assimil. Les répliques se sont naturellement assemblées, et l'ensemble a produit ce que l'auteur appelle une «anti-pièce», une vraie parodie de pièce, sans ambition idéologique particulière.
Dans cet illustre chef-d'oeuvre, l'esprit de dérision prend le contre-pied de la tradition. Une série de sketches désopilants jusqu'au dénouement tonitruant et digne des surréalistes, telle est la pièce dont nous étudions les secrets en la replaçant dans la tradition de l'antitradition, de la modernité en évolution.
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En donnant corps au théâtre de l'absurde, aux côtés de Samuel Beckett, Eugène Ionesco (1909-1994) a bouleversé à jamais les fondements et les codes du théâtre européen. Défenseur d'un art irréaliste prenant à contre-pied la tradition, il prône la dérision, l'action minimaliste, la répétition incessante qui fait perdre au temps tout son sens, l'impossible communication et ses conséquences (quiproquos, non-sens). Son écriture se nourrit de ce qu'il est. Sa présence discrète s'impose avec l'invention de Bérenger, double assumé et récurrent, qui donne à voir non seulement toutes les angoisses, la peur de la mort, les questions métaphysiques qui assaillent le dramaturge, mais aussi son engagement à dénoncer les totalitarismes et leur rapide propagation, la monstruosité des hommes animés par la folie de destruction et l'horreur des camps concentrationnaires. Cette édition propose de mettre en lumière la parfaite unité et la modernité de cette oeuvre avant-gardiste, en retraçant le parcours biographique, intellectuel et artistique d'un dramaturge, d'«un homme en questions».
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Dans cette pièce, Pierrot-Delpech voyait, en 1961, «la plus accomplie des tragédies modernes». La troisième pièce d'Ionesco, créée en 1952, reprise en 1956, connaît maintenant un succès qui ne se dément pas. Le sujet des Chaises est, nous dit l'auteur, «le vide ontologique» ; mais c'est aussi un drame personnel, le miroir d'une conscience. On y retrouve la nostalgie de l'enfance, le sentiment de culpabilité, l'horreur de la vieillesse et de la mort. C'est encore une comédie qui, bien souvent, excite le rire par ses clowneries, ses calembours, ses parodies, ses pirouettes. C'est un ballet : celui des chaises amoncelées dans le mouvement accéléré d'un tourbillon fantastique, et qui demeurent vides. Les vieux font semblant de recevoir une foule d'invités, jusqu'à ce qu'un seul personnage apparaisse enfin sur la scène : hallucination ? vérité du théâtre ? L'Orateur tant attendu est sourd et muet, et la scène demeure vide, encombrée de chaises.
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Jeux de massacre, pièce créée en 1970 au Théâtre Montparnasse, a pour thème une épidémie, une peste qui ravage la Ville.
Des sketches rapides montrent les réactions des paysans, des riches bourgeois, des intellectuels, des médecins, des pauvres... La politique s'en mêle, car les gens des partis veulent exploiter la peste à leur profit. Finalement, le feu dévore la ville entière et rétablit l'ordre.
Édition de Marie-Claude Hubert.
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Ce livre reproduit un album tiré à deux cents exemplaires qui avait paru en Suisse, en 1981. Il se composait de quinze lithographies, gravées sur la pierre de la propre main de Ionesco, accompagnées de commentaires et d'un long texte d'introduction. Ionesco y raconte et y explique ses rapports avec la peinture et le dessin, la signification qu'il donne au noir et blanc. «Je me dis une fois de plus, encore, après l'avoir dit tant de fois, on ne peut rien écrire, on ne peut non plus rien dessiner sans une sincérité totale, naïve, mais il est bien difficile d'arriver à cette sincérité. En dessinant, j 'essaie ou je tâche de dégager mon esprit de tout ce qui l'encombre, de tous les soucis, de toutes les vanités, que ce soit bon ou mauvais, ce que je fais cela n'a pas d'importance.» Chemin faisant, de même que la pierre du graveur se creuse, la méditation de l'écrivain l'emporte à réfléchir sur le sacré, sur le scandale de la mort. Il pense aussi à des amis disparus et soudain surgit une image de femme, abandonnée, éperdue, un roman tragique, en quelques lignes:«A-t-elle pu surmonter sa douleur? A-t-elle pu trouver une raison de vivre? Où est-elle?»
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Les chaises ; l'impromptu de l'Alma (farce tragique)
Eugène Ionesco
- Folio
- Folio
- 20 Juin 1973
- 9782070364015
«Le vieux : Il y avait un sentier qui conduisait à une petite place ; au milieu, une église de village... Où était ce village ? Tu te rappelles ?La vieille : Non, mon chou, je ne sais plus.Le vieux : Comment y arrivait-on ? Où est la route ? Ce lieu s'appelait, je crois, Paris...La vieille : Ça n'a jamais existé, Paris, mon petit.Le vieux : Cette ville a existé puisqu'elle s'est effondrée... C'était la ville de lumière puisqu'elle s'est éteinte, éteinte, depuis quatre cent mille ans... Il n'en reste plus rien aujourd'hui, sauf une chanson...»
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3 nouvelles engagées
Dino Buzzati, Boris Vian
- Belin Education
- Declic. Vous Allez Aimer Lire
- 21 Octobre 2020
- 9791035815448
Une anthologie de nouvelles engagées sur la Seconde Guerre mondiale que les élèves de Troisième vont aimer lire !
Rhinocéros (nouvelle) d'Eugène Ionesco - Pauvre petit garçon ! de Dino Buzzati - Les Fourmis de Boris Vian Pourquoi tous les habitants d'une petite ville tranquille sont-ils tout à coup gagnés par la « rhinocérite » ? Qui est ce petit enfant allemand martyrisé par ses camarades ?
Découvrez la nouvelle d'Eugène Ionesco qui a inspiré l'une des pièces les plus célèbres du théâtre de l'absurde, mais aussi le texte, décalé, de Dino Buzzati. Des oeuvres engagées et indispensables. -
«En réalité, j'ai surtout combattu pour sauvegarder ma liberté d'esprit, ma liberté d'écrivain. Il est évident qu'il s'est agi, en grande partie, d'un dialogue de sourds, car les murs n'ont pas d'oreilles et les gens sont devenus des murs les uns pour les autres : personne ne discute plus avec personne, chacun voulant de chacun faire son partisan ou l'écraser [...].
L'oeuvre d'art doit contenir en elle-même, et cristalliser, une plus grande complexité des débats dont elle est la réponse ou l'interrogation plus ample ».
Voici les textes les plus importants de Ionesco sur ses conceptions dramatiques, sa critique des critiques, ses opinions sur le théâtre contemporain, ainsi que ses vues sur l'artiste et l'art en général.
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Le théâtre de Ionesco est en définitive une mise en scène des figures de la rhétorique. Ses personnages vont de catachrèse en chiasme comme d'autres vont - dans un théâtre plus classique - de la passion extrême à la jalousie meurtrière. Il s'y racontait une histoire. Chez Ionesco, il n'y a pas de récit, il n'y a pas de conte qui se raconte, mais des figures sorties d'un Füssli. Aucun de ses personnages en effet qui ne parataxe ou qui, pris aux charmes de la redoutable Métaphore, ne se retrouve enchaîné dans une définitive métamorphose dont il ne reviendra pas. Et les objets eux-mêmes disent à se démultiplier sans aucune considération pour l'ordre normé du monde que tout, en définitive, se décline mais finit par déraper. Ionesco va chercher dans ses cauchemars ces monstres qui tentent de
penser l'inconcevable - que les concepts seront toujours impuissants à exprimer -, monstres faits de morceaux de bêtes et de morceaux d'hommes qui, assemblés, mettent au jour une bien inquiétante étrangeté, comme les Grecs jadis qui, pour tenter de dire la démesure du désir, avaient inventé des mythes où l'on voyait - par exemple - une femme éperdue d'amour pour un taureau. C'est la plupart du temps en se fondant sur la répétition qui, à se reprendre, démontre que le même est une tentative désespérée que le comique de Ionesco devient un pur tragique. Le procédé est souvent subtil, qui consiste, par glissements successifs mais imperceptibles, à passer du «comme» de la métaphore à l'être dont celle-ci n'évoquait qu'une figure possible. Et, stupéfié, le corps devient le texte de son histoire arrêtée. Certes Kafka est passé par là, et les bouleversements de l'histoire personnelle de Ionesco ont laissé des traces dans son imaginaire. Mais on n'a pas osé dire que ce théâtre procurait aussi une nouvelle ontologie, celle d'un homme dérisoire, pris dans les boues de la mort. Englué, comme le héros de Sartre, mais le pire est que le personnage de Ionesco est, lui, de bonne foi. Ce volume rassemble tout le théâtre de Ionesco ; il révèle de plus deux pièces inédites : La Nièce-épouse et Le Vicomte. On a voulu aussi procurer - dans un appendice - les notes des principales mises en scène qui retracent l'histoire de ces pièces. Enfin, pour parachever l'édition, on a donné - avec une étude de Massin - quelques extraits de la mise en pages graphique de ce dernier pour La Cantatrice chauve et Délire à deux. -
Le seul roman écrit par Ionesco. À trente-cinq ans, un homme fait un héritage et se retire de la vie. Il ne cesse de s'étonner de ses congénères qui continuent à s'agiter, à se battre même, à aimer, à croire. La recherche de l'oubli, la nostalgie du savoir que nous n'aurons jamais, le sentiment de notre infirmité et du miracle de toute chose, font de cet individu banal un être qui a la grâce, un mystique pas tellement loin de Pascal.
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Dans l'imaginaire collectif, Macbeth, ce roi d'Ecosse qui régna à la fin du XIe siècle, représente depuis Shakespeare l'archétype de l'ambitieux qui, poussé par sa femme, tua le roi légitime pour monter sur le trône et multiplia meurtres et exactions. Avec Marbett, pièce qui témoigne de sa vision amère des grands drames qui ont bouleversé le XXe siècle - nazisme et communisme qu'il a toujours renvoyés dos à dos - Ionesco crée une oeuvre burlesque dans laquelle la politique n'est que le jeu absurde d'un fou, le caprice d'un paranoïaque satanique. Plus que jamais son théâtre apparaît comme une "farce tragique", sous-titre dont il qualifie lui-même Les Chaises, l'une de ses premières pièces.
Avec Macbett, Ionesco crée une oeuvre burlesque dans laquelle la politique n'est que le jeu absurde d'un fou, le caprice d'un paranoïaque satanique. Plus que jamais son théâtre apparaît comme une « farce tragique ».
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Récits de rêves, opinions, souvenirs, réflexions morales, notes sur la littérature : ce Journal en miettes n'est pas un journal habituel, où seraient consignés, au jour le jour, les événements d'une vie. C'est, en quelque sorte, à une entreprise contraire que se livre ici Eugène Ionesco : raconter, non pas chaque jour ce qui arrive, mais chaque jour ce qui n'arrive pas.Un homme cherche à surmonter la crise permanente qu'est la pensée de la vie et de la mort, à résoudre les interrogations, à triompher de l'angoisse, à y voir clair, et note ses obsessions, ses doutes, ses refus. L'enfance resurgit dans le présent, les images oniriques recouvrent soudain le réel, le passé se confond avec l'avenir : peu à peu, miette par miette, se reconstitue une chronologie intérieure au-delà de la chronologie, au-delà du portrait les silences, les mystères, comme le négatif d'un homme et d'une oeuvre.
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Jacques ou la soumission ; l'avenir est dans les oeufs
Eugène Ionesco
- Folio
- Folio Theatre
- 25 Septembre 2008
- 9782070387915
Dans ces deux farces, qui suscitent en permanence un rire profondément dérangeant, Ionesco narre l'histoire d'un jeune homme qui ne veut pas jouer le jeu de la vie. En rupture de ban avec sa famille, il n'accepte pas de manger les pommes de terre au lard et de se marier. L'insignifiance de l'enjeu laisse entendre, sous un mode burlesque, que sa révolte n'est pas simplement oedipienne mais qu'elle est métaphysique. Bouleversé par le sentiment de sa finitude, et par la découverte du mal au sein de la création, Jacques refuse de perpétuer la vie, mais la pression de tous les membres de la famille, ligués contre lui, finira par triompher de ses résistances.
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En écrivant Voyages chez les morts, Ionesco revoit son passé, comme au· travers d'un songe, expérience rare dans l'histoire de la scène. Lors de cette descente aux enfers moderne, où nul n'est là pour guider les âmes, l'écrivain convoque un à un ses morts. Le personnage principal se meut dans un univers aux frontières poreuses, semblable à celui des rêves, où les souvenirs se confondent, malgré leur précision, tandis que les lieux et les êtres ne cessent de se transformer.
Ce cheminement mythique de Jean, au cours duquel il croise toutes les figures de son passé, dont celles du Père et de la Mère, symboles, chez Ionesco, de tant d'angoisses ou de remords, est aussi une interrogation spirituelle et douloureuse sur l'existence de l'au-delà.
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Dans le décor délabré d'une chambre où semble se replier Jacques, la famille assaille le jeune homme pour le faire entrer dans le rang.
La soeur Jacqueline, les parents Jacques Père et Jacques Mère et les grands-parents Jacques Grand-père et Jacques Grand-mère parviendront-ils à le faire plier : acceptera-t-il de déclarer qu'il aime, comme tout le monde, les pommes de terre au lard ?
Ionesco représente là un monde où la révolte individuelle est vaine, et sur lequel ne cesse de planer l'angoisse terrible de la mort. Dans cet univers, le langage devient fou, tandis que les situations et les dialogues absurdes font naître un comique dissonant.
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«Il se leva, mit son chapeau de feutre orné d'un crêpe noir, son pardessus gris-fer, prit sa lourde serviette bourrée qu'il laissa tomber avant d'avoir fait un pas. Celle-ci s'ouvrit dans sa chute. Nous nous précipitâmes, en même temps. D'une des poches de la serviette, des photos s'étaient échappées, représentant un colonel en grand uniforme, moustachu, un colonel quelconque, une bonne tête plutôt attendrissante. Nous mîmes la serviette sur la table, pour y fouiller plus à l'aise : nous en sortîmes encore des centaines de photos avec le même modèle. Qu'est-ce que cela veut dire ? demandai-je, c'est la photo, la fameuse photo du colonel ! Vous l'aviez là, vous ne m'en aviez jamais parlé !» Les récits de ce recueil constituèrent le point de départ de quelques-unes des plus célèbres pièces de Ionesco (Rhinocéros, Victime du devoir). Comme dans son théâtre, leur réalisme précis rejoint tout naturellement le fantastique, l'imaginaire.
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Tueur sans gages, pièce au titre cruel, commence comme un conte de fées, se poursuit comme un drame policier et se termine sur une tragédie.Le conte de fées, c'est la découverte par Bérenger de la «cité radieuse», merveilleux quartier de sa ville construit pour le confort de ses résidents, où il retrouve un instant le soleil de son enfance ; le drame policier, c'est la présence dans cette cité d'un assassin qui tue chaque jour plusieurs habitants et que Bérenger, qui compte sur l'aide de la police, veut faire arrêter ; la tragédie, c'est la poursuite de plus en plus solitaire de Bérenger, que tous abandonnent, et qui finit par se trouver devant le monstrueux tueur borgne qui lève sur lui son couteau.
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Voici une des pièces préférées de Ionesco. Il y a mis ses deux vies, celle qu'il a eue, marquée par l'enfance solitaire, par la famille désunie à cause du père, par la conscience de la lourdeur du monde mais aussi par l'illumination des années 1926-1927 ; et celle qu'il eût voulu avoir, dans la réconciliation avec le père, la fin de toutes les pesanteurs et le retour de la lumière. Il y a mis en outre la défense de son théâtre et le refus des conformismes. D'autres aspects ne sont pas mineurs : l'éloge du théâtre «non réaliste», la critique des conventions. L'intrigue n'est guère résumable : l'itinéraire qui mène Choubert, homme doux et timide, du mariage à une mort cruelle en passant par une descente aux enfers, et des moments d'illumination magique, est à la fois loufoque et symbolique, drôle et tragique. On y rencontre un policier, un psychanalyste, un bourreau, Nicolas d'Eu. On y rencontre surtout l'auteur : «J'arrachai mes entrailles», a-t-il dit de l'écriture de sa pièce.
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Théâtre Tome 1 ; la cantrice chauve ; la leçon ; Jacques ou la soumission ; l'avenir est dans les oeufs ; victimes du devoir ; Amédée ou comment s'en débarrasser
Eugène Ionesco
- Gallimard
- Blanche
- 14 Octobre 1954
- 9782070233014
L'insolite baignant dans le quotidien, l'inhabituel surgissant du banal, le comique se muant en tragique, puis retournant au burlesque (La Leçon); réalisme détérioré par la caricature (La Cantatrice chauve); émerveillement euphorique d'être; horreur d'exister dans un univers oppressant, accablant, où la matière s'épaissit, les objets prolifèrent (Victimes du devoir, Comment s'en débarrasser) - voilà les éléments contradictoires qui fondent le théâtre de Ionesco, issu de l'esprit onirique et de l'observation naturaliste. L'auteur est le premier à être étonné du spectacle qu'il projette sur scène et que la démarche même de l'écriture, l'aventure poétique lui révèlent. Les forces antagonistes qui l'habitent, les désirs profonds, oubliés et retrouvés, les obsessions obscures s'éclairent, s'incarnent, se font personnages, événements, théâtre, constituent ce monde où l'intérieur et l'extérieur se rejoignent, à la fois sien et nôtre, douloureux et dérisoire, que l'humour décharge de son angoisse.
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