Le lien entre les épisodes de ce Rapport sur moi, le fil conducteur secret de cette vie appartiennent aux pouvoirs du langage : ou comment des staphylocoques dorés attrapés à quatre ans en buvant de l'eau déterminent une relation avec une certaine Laurence. Grégoire Bouillier fait surgir les lois souterraines de l'existence et invite son lecteur à reconsidérer sa propre vie. Intimiste, ce récit bouscule et surprend par sa franchise. D'une drôlerie violente, ce premier roman se veut un miroir pour le lecteur et un portrait cinglant de notre époque. Car l'auteur se livre ici à l'écriture d'un mythe : entre petite mythologie personnelle et épopée du quotidien contemporain. Une Odyssée intérieure, périple parmi les petits moments anecdotiques de la vie qui fondent une personne, et un écrivain.
Né à Tizi-Ouzou en 1960, Grégoire Bouillier vit et travaille à Paris. Il est l'auteur de trois livres, publiés aux éditions Allia : Rapport sur moi (Prix de Flore 2002), L'Invité mystère (2004), traduits dans de nombreuses langues, et Cap Canaveral (2008).
Chaque année, lorsqu'elle fête son anniversaire, Sophie Calle demande à l'un de ses hôtes d'amener avec lui un "invité mystère", inconnu de tous. Il y a dix ans, Grégoire Bouillier fut cet invité mystère, lors d'une soirée mémorable où, une fois encore, les lois mystérieuses qui semblent régir souterrainement l'existence se manifestèrent. Fin de l'histoire ? Non. Car dix ans plus tard, lorsque parut le Rapport sur moi, Sophie Calle entra en contact avec lui après la lecture du livre. Sans soupçonner qui il était. Une boucle se boucle. Une relation naît. Mais où est le hasard ? Quel est le mystère ? Qui s'invite réellement entre les êtres ? Où est la fiction et que signifie rendre compte de ce qui a lieu ?
Grégoire Bouillier restitue à la deuxième personne du singulier le souvenir vibrant de l'aventure d'une nuit. Lors d'un colloque littéraire dans une ville de province, il rencontre une jeune lectrice, ici nommée V "pour qu'on ne puisse pas la reconnaître" ni "la confondre avec un personnage fictif". Séduit par le charme et l'érotisme qui se dégage de cette toute jeune fille qui l'a alpagué, le narrateur se laisse entraîner dans un bar et dans les dédales de la ville, jusqu'à ce qu'elle l'emmène chez elle, dans l'appartement familial. Mais tout déjoue les attentes. Le silence que V lui impose avant d'entrer, la lente traversée de l'appartement toute lumière éteinte... confèrent un tour fantastique à l'aventure. Le suspens monte... Jusqu'à la résolution de l'énigme, à la fois bouleversante et scandaleuse : car ce n'est pas dans sa chambre que V conduit le narrateur, mais dans celle de sa mère en train de "dormir dans l'ombre"...
Avec une écriture sur le fil du rasoir, dense, rapide et drôle, Grégoire Bouillier offre au lecteur de revivre cette nuit-là, en direct, "comme elle eut lieu, en se l'arrachant des yeux". Poursuivant la démarche entreprise dans ses précédents livres, il dévoile aussi, mais cette fois-ci sous un autre angle, le rôle clé que joue la littérature dans l'existence en général et dans la sienne en particulier.
Comment parler du mouvement des gilets jaunes ? Qu'en voir au-delà des images diffusées comme de ses a priori ? Quel soutien lui apporter, si soutien il y a lieu ?
C'est pour répondre à ces questions que Grégoire Bouillier, au plus fort de la mobilisation, a suivi les manifestations sur les Champs-Élysées. Entre gaz lacrymogènes, rencontres fumeuses et mal aux pieds, son reportage gonzo ne décrit pourtant que la moitié de la vérité. Car deux jours plus tard, il fait un rêve, dans lequel ce qu'il a vécu du côté de l'Arc de triomphe se trouve à la fois transfiguré et élucidé. Dès lors, un autre récit devient possible. Un récit ayant valeur d'engagement, puisque la littérature se veut ici la continuation de la politique par un autre moyen.
«C'était là, bien visible, imparable. Le secret de mon rêve. Son message même. Qui résonnait follement avec ce qui se passait en France. Avec toute cette histoire des gilets jaunes. Avec une saloperie si bien établie que personne ne la remarque à force de l'avoir intériorisée. Voici que je savais tout à coup pourquoi j'étais allé sur les Champs-Élysées, l'autre samedi. Je voyais l'image dans le chaos. L'explication qui manquait. Je n'avais plus aucun doute. J'avais trouvé les mots pour le dire. »