Persuadés d'avoir retrouvé en Afrique la nature disparue en Europe, les colons créent à la fin du XIXe siècle les premiers parcs naturels. Au lendemain des années 60, les anciens administrateurs coloniaux se reconvertissent en experts internationaux. Il faudrait sauver l'Eden ! Mais cette Afrique n'existe pas. Il n'y a pas de vastes territoires vierges de présence humaine, arpentés seulement par ces hordes d'animaux sauvages qui font le bonheur des safaris. Il y a des peuples, qui circulent depuis toujours, expulsés par milliers des parcs naturels, où ils subissent aujourd'hui la violence quotidienne des éco-gardes soutenus par l'Unesco, le WWF et d'autres ONG. Convoquant archives inédites et récits de vie, cette enquête met au jour les contradictions des pays développés qui détruisent chez eux la nature qu'ils croient protéger là-bas, prolongeant, avec une stupéfiante bonne conscience, le schème d'un nouveau genre de colonialisme.
Ce livre retrace l'histoire des décolonisations en adoptant un point de vue : celui des Suds. S'écartant d'une rupture chronologique convenue, colonisation-décolonisation, il débute en 1850 pour s'achever en 2013 : de l'invention des continents et des races jusqu'au naufrage des réfugiés partis d'Afrique de l'Est. Cartes, témoignages et arrêts sur images accompagnent cette synthèse : plutôt qu'un grand récit sur « l'Afrique » et « l'Asie », des histoires situées éclairent la singularité de sociétés africaines et asiatiques. Il en ressort combien nous vivons dans un monde postcolonial : le passé colonial pèse encore sur le présent, mais l'histoire nous permet de le comprendre sereinement.
Décolonisations
Ce livre retrace l'histoire des décolonisations en adoptant un point de vue : celui des Suds. S'écartant d'une rupture chronologique convenue, colonisation-décolonisation, il débute en 1850 pour s'achever en 2013 : de l'invention des continents et des races jusqu'au naufrage des réfugiés partis d'Afrique de l'Est. Cartes, témoignages et arrêts sur images accompagnent cette synthèse : plutôt qu'un grand récit sur « l'Afrique » et « l'Asie », des histoires situées éclairent la singularité de sociétés africaines et asiatiques. Il en ressort combien nous vivons dans un monde postcolonial : le passé colonial pèse encore sur le présent, mais l'histoire nous permet de le comprendre sereinement.
Guillaume Blanc
Maître de conférences en histoire contemporaine à l'université Rennes 2, il est spécialiste de l'histoire environnementale et globale de l'Afrique. Il a notamment publié Une histoire environnementale de la nation (2015) et L'Invention du colonialisme vert (2020).
Tout ce dont l'étudiant a besoin pour le sujet 2023-2024 d'Histoire contemporaine de l'agrégation externe d'Histoire.
Comme tous les Clefs-concours, l'ouvrage est structuré en trois parties :
- Repères : le contexte historique.
- Thèmes : comprendre les enjeux du programme.
- Outils : pour retrouver rapidement une définition, une date, un personnage, une référence.
Ce livre retrace le parcours d'un Juste : Jules Molina, dit "Julot", militant d'Algérie, habité très tôt par ses convictions, marginalisé par l'Histoire.
Né en 1923 à Mohammadia dans une famille d'immigrés espagnols, il ne quittera l'Algérie qu'en 1989, à contrecoeur. Vingt ans plus tard, à la veille de sa mort, il rédige ses mémoires et les transmet à sa famille. Les voici, livrées dans un style sobre mais étonnamment vivant, accompagnées de réflexions historiques et d'entretiens que Guillaume Blanc a mené auprès des proches de Molina.
Cet ouvrage raconte d'abord une histoire algérienne. Celle d'un homme entier, qui fut un soldat du contingent colonial, un indépendantiste torturé par l'armée française puis, comme une évidence, un citoyen algérien, impliqué corps et âme dans la construction du pays. Le parcours de Jules Molina fait voler en éclat les visions simplificatrices de l'Histoire, donnant à voir une expérience coloniale parfois faite d'hommes moraux dans un contexte immoral, puis une Algérie socialiste portée, aussi, par des communistes et des Algériens d'origine européenne.
Ces mémoires racontent une Algérie disparue mais également une lutte sociale. La vie de Molina signale combien, pour lui, ses camarades et sa famille, le communisme a toujours relevé de l'hu-manisme : un combat permanent, toujours du côté des victimes, pour un monde à visage humain, comme nous le rappelle Henri Alleg en 2009, lors de l'enterrement de son ami le plus proche.
The story begins with a dream – the dream of Africa. Virgin forests, majestic mountains surrounded by savannas, vast plains punctuated with the rhythms of animal life where lions, elephants and giraffes reign as lords of nature, far from civilization – all of us carry such images in our heads, imagining Africa as a timeless Eden untouched by the ravages of modernity. But this Africa has never existed. The more we destroy nature here, the more we fantasize about it in Africa. Along with UNESCO, the WWF and other organizations, we convince ourselves that the African national parks are protecting the last vestiges of a world once untouched and wild. In reality, argues Guillaume Blanc, these organizations are responsible for naturalizing large tracts of the African continent, turning territories into parks and forcibly evicting thousands of people from the lands where they have lived for centuries. Making use of archives and oral histories, Blanc investigates this battle for a phantom Africa and the contradictory claims of nations who destroy nature at home while believing that they are protecting the natural world abroad. In so doing, they enact a new type of colonialism: green colonialism.
Cet ouvrage propose une histoire environnementale comparée de la nation. Il démontre qu'au-delà des contextes, l'invention de la nature vise bien souvent à renforcer les contours matériels et idéels de la nation au nom de laquelle agissent les pouvoirs publics. Tandis que dans la France parsemée de lieux de mémoire, le parc des Cévennes sert à la pérennisation d'une nation paysanne, nostalgique et traditionnelle, au Canada, pour pallier un passé manquant de profondeur mais débordant de conflits, le parc Forillon donne à voir et à croire une nation vierge, atemporelle et apolitique. Quant à l'Éthiopie et son parc du Semen, l'État s'approprie les représentations néo-malthusiennes et vaguement racistes des institutions internationales telles que l'Unesco et le WWF afin d'être reconnu sur la scène internationale et de s'imposer, alors, sur un territoire qu'il veut national.
Mobilisant les lois, les rapports d'activité et la documentation archivistique et touristique produits par les gestionnaires de ces territoires, de la fin des années 1960 au temps présent, cet ouvrage relate trois histoires de natures, et de nations. Mais il livre aussi une seule histoire : celle du parc comme enjeu de luttes. Car de l'Amérique du Nord à l'Afrique jusqu'à l'Europe, en tant qu'espace de vie quotidienne converti en espace de visites temporaires, le parc national légitime toujours l'exercice public d'une violence concrète et symbolique sur les populations locales et environnantes.
Les vies pauvres ne sont pas de pauvres vies : il y a urgence à considérer l'histoire des vies pauvres comme riche de sens politique et philosophique à l'heure du primat économique.
Ce livre est une enquête sur les pratiques et les voix des femmes dans le monde entier.
Il est d'abord informatif. Le tour du monde qu'il propose permet de savoir ce que font aujourd'hui les femmes pour lutter contre la domination masculine. Grâce à des entretiens avec des militant.e.s, à l'aide de tableaux récapitulatifs sur les grands problèmes qui se posent aux femmes aujourd'hui, par la restitution dans le texte même de tout un ensemble de voix plurielles, il peut être utilisé comme un vade-mecum des pratiques féministes contemporaines. Ces pratiques sont au coeur des luttes politiques les plus urgentes et les plus mobilisatrices : vivre avec et dans les milieux naturels (écoféminisme), construire des alternatives au capitalisme.
Comment s'est construit, au fil du XXe?siècle et jusqu'à nos jours, le gouvernement de «?la?» nature en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient?? De la création des premières réserves de chasse dans les colonies africaines au nom de la protection de la faune aux modèles actuels de conservation communautaire privilégiés par les organisations internationales, cette ambitieuse recherche croisant histoire, géographie, science politique et écologie, revient sur les négociations et luttes provoquées par le «?colonialisme vert?».
Qu'il s'agisse de la gestion impériale des forêts à Singapour ou au Liban, de l'introduction de nouvelles espèces dans l'Afrique coloniale française ou de la promotion de la «?récolte?» de la grande faune, des conflits contemporains autour du tigre, de l'éléphant et du crocodile marin en Inde, ces études font ressortir l'entremêlement des temps coloniaux et post-coloniaux. Avant comme après les indépendances, protéger la nature, c'est exercer le pouvoir. Et hier comme aujourd'hui, la conservation globale de la nature aux Suds évolue au rythme d'une contradiction permanente entre prédation et protection.
Laissez-vous tenter... Évadez-vous, dépensez-vous, contemplez la nature. Loin des remontées mécaniques, le ski sauvage ou ski de randonnée s'avère une des plus belles manières de découvrir la montagne en hiver. Trois spécialistes expérimentés ont conçu ce guide pour celles et ceux qui veulent se lancer sans expérience ou gagner en autonomie. Cette approche pédagogique répond aux questions clefs : comment s'équiper, choisir et préparer sa sortie, s'orienter, maîtriser les techniques de montée et de descente, évaluer et gérer les risques, organiser un secours... L'ouvrage propose également des ouvertures culturelles et historiques pour découvrir un art de vivre, la montagne qui ne se réduit pas à sa dimension sportive.
À vos peaux de phoques !
Depuis l'Antiquité, l'hospitalité est l'une des valeurs traditionnelles de l'Europe. Aujourd'hui, pourtant, devant l'arrivée d'exilés fuyant des conditions de vie insupportables, le continent se mue en forteresse. Une vertu fondatrice de notre humanité est-elle en train de disparaître?
Pour la première fois, deux philosophes s'emparent de la question de l'hospitalité. Ils associent la réflexion à l'enquête de terrain, défendant le principe d'un «reportage d'idées» qui les mène dans la «jungle» de Calais, à l'aéroport de Tempelhof à Berlin, dans les nombreux camps de réfugiés présents dans toute l'Europe.
Refusant l'idéalisme comme le cynisme, ils posent les jalons d'un «réalisme de l'hospitalité» : parce qu'elle est une épreuve existentielle pour les hôtes comme pour les arrivants, celle-ci ne peut être que collective, donc politique.
Les philosophes ne traitent jamais de la course à pied ; déjà les Grecs faisaient l'éloge de la tortue marcheuse, mais disqualifiaient le vaillant Achille, pris dans la folie de ses enjambées... L'auteur, coureur de fond lui-même, s'oppose ici à cette tradition : en autant de textes qu'il y a de kilomètres au marathon, il va à la rencontre des millions de joggers qui ignorent parfois leur propre sagesse.
Il brosse pour cela de nombreux portraits, de Guy Drut aux fuyards des sociétés modernes, en passant par les marathoniens de New York ou d'Amsterdam. Il montre que la course permet de tester les philosophies (si l'on démarre kantien, on finit toujours spinoziste...). Il la ressaisit enfin comme une expérience du temps, et révèle sa vraie nature : la course est l'épreuve d'un pouvoir intérieur.
La philosophe américaine Judith Butler est connue en France pour avoir relancé la problématique féministe à partir d'une relecture des relations de pouvoir chez Michel Foucault. Mais son travail peut aussi être étudié sous l'angle des rapports entre sujet et normes. Comprendre l'action des normes dans la vie humaine et la vie des normes dans les actions humaines, c'est s'engager dans une double réflexion sur le pouvoir de la norme dans la vie et sur le pouvoir de la vie dans les normes. Tel est le centre de la philosophie de J. Butler. D'un côté, la norme a une efficacité pratique particulière dans la régulation des vies et des comportements, d'un autre côté, une norme n'est posée que parce qu'elle peut être contestée par la vie. L'un des enjeux de cette étude est de souligner combien, en posant des questions radicales, J. Butler s'inscrit dans la tradition philosophique d'une ""relecture"" comparée - ici, Hegel, Freud, Foucault.
Il est temps. De vaincre nos peurs et de tendre la main.
L'humanisme ne signifie rien s'il laisse de côté les femmes, les enfants, les hommes venus d'ailleurs. Il n'est rien non plus s'il laisse sur le bord de la route les exclus d'ici. Il est temps de refuser l'idéologie du ministère de l' Intérieur, et de bâtir ensemble les fondations de notre société hospitalière. Il est temps de nous faire connaître.
Notre conviction est simple, elle est portée par tout un peuple, citoyens, associations, intellectuels, qui dit « ça suffit ». L'humanité est plus grande que la nation.
Voici un manifeste, assorti de propositions concrètes, pour que nous agissions ensemble et qu'ensemble nous prenions la parole.
Ne nous y trompons pas : en refusant d'accueillir les autres, c'est nous-mêmes que nous cessons d'aimer.
Il est temps. De vaincre nos peurs et de tendre la main.
L'humanisme ne signifie rien s'il laisse de côté les femmes, les enfants, les hommes venus d'ailleurs. Il n'est rien non plus s'il laisse sur le bord de la route les exclus d'ici. Il est temps de refuser l'idéologie du ministère de l'Intérieur, et de bâtir ensemble les fondations de notre société hospitalière. Il est temps de nous faire connaître.
Notre conviction est simple, elle est portée par tout un peuple, citoyens, associations, intellectuels, qui dit "ça suffit". L'humanité est plus grande que la nation.
Voici un manifeste, assorti de propositions concrètes, pour que nous agissions ensemble et qu'ensemble nous prenions la parole.
Ne nous y trompons pas : en refusant d'accueillir les autres, c'est nous-mêmes que nous cessons d'aimer.
La crise de notre modèle politique éveille le plus grand pessimisme. Face à cette peur de l'avenir, Guillaume le Blanc nous propose une hypothèse détonante, aussi ludique qu'originale : l'hypothèse Charlot.
Chaplin invente le témoin précaire de son temps, celui qui, au bord de la désintégration, parvient néanmoins à survivre. Charlot appartient à une humanité vulnérable qui déroule sous nos yeux une vie minuscule. Et pourtant, que l'on regarde Les Temps modernes, The Kid ou Le dictateur, c'est bien lui qui remet en question tous les partages sociaux entre le grand et le petit, le centre et la périphérie, le dedans et le dehors, le normal et le pathologique : faut-il vraiment vivre en travaillant ? Qu'est-ce qu'être amoureux ? Etre père ? Sommes-nous tenus d'être des citoyens patriotes ?
L'hypothèse Charlot, c'est cela : contester les normes du monde commun pour le rendre justement encore plus commun, plus partageable, pour inventer et réinventer la démocratie. N'est-ce pas la force ultime de Chaplin et de son personnage de nous éloigner du nihilisme qui semble à nouveau guetter notre époque ?
GAGNER SA VIE EST-CE LA PERDREoe. La question du travail ne se pose pas comme une question quelconque. Elle surgit d'abord comme la préoccupation des adultes : le travail est un passage obligé pour que l'on puisse s'assumer. Savons-nous pourtant ce qu'il implique réellementoe Plutôt que de le penser par rapport au seul argent gagné, il faut le considérer comme un ensemble de gestes répétés, de représentations qui forment un monde commun. Le travail crée les moyens d'une vie décente. Mais il peut être perdu à tout moment et de son absence compromet le sens d'une existence en lui ôtant les moyens de son développement social et personnel. Dans le travail cohabitent misère et grandeur : il y va de ce que les autres peuvent faire de nous mais aussi de ce que nous parvenons à faire de nous-mêmes.
Histoire environnementale, anthropologie de la nature, sociologie de l'environnement... : on assiste, depuis une trentaine d'années, à la multiplication de sciences humaines et sociales qui prennent l'environnement pour objet, et revendiquent de voir ainsi leur épistémologie transformée. Le foisonnement de ces labels est tel que, aujourd'hui, certains souhaitent les rassembler sous une bannière commune, celle d'"humanités environnementales".
Plutôt qu'un manifeste, cet ouvrage propose une histoire des humanités environnementales au prisme des disciplines (anthropologie, histoire, philosophie, géographie, sociologie, études littéraires, sciences politiques, économie, droit). Il retrace pour la première fois l'émergence intellectuelle et institutionnelle de ces domaines d'étude. En prêtant attention à la pluralité des débats et des controverses passés, ce livre décrypte un paysage singulier de la recherche internationale contemporaine : celui des sciences humaines et sociales aux prises avec l'environnement.
Contributions de : Simon P. J. Batterbury, Guillaume Blanc, Valérie Boisvert Lionel Charles, Meryem Deffairi, Elise Demeulenaere, Wolf Feuerhahn, Bernard Kalaora, Christian A. Kull, Catherine Larrère, Stéphanie Posthumus, Grégory Quenet, Luc Semai et Chloé Vlassopoulos.
Guillaume le Blanc s'interroge ici sur la prise de la parole au sein de la société et la capacité d'agir qu'elle permet. Et à tous ceux, exclus en tout genre, qui se trouvent réduits au silence.
Comment permettre à ceux qui sont « sans-voix » de se faire entendre sans parler à leur place ? Que signifie parler au nom des autres ? Prendre la parole ? Existe-t-il un droit au silence comme un droit à la parole ? C'est la question de notre démocratie qui en définitive se trouve ici posée.
- Dans la lignée de Vies ordinaires, vies précaires (Seuil, 2007), Guillaume Le Blanc aborde en philosophe une réalité sociale que l'actualité ne cesse d'illustrer : la stigmatisation de l'étranger. Qu'est-ce qu'être étranger dans une nation ? Qu'est-ce qu'une vie sans attaches, prise entre deux langues, en attente ? Que fait-on quand on désigne quelqu'un par le nom d'" étranger " ? Au fil de l'analyse, Guillaume Le Blanc dénoue tous les ressorts qui assignent les étrangers à une place intenable : dans la nation mais dehors, avec elle mais perçus contre elle. Ce faisant, l'auteur conduit le lecteur vers une question qui traverse l'histoire de la philosophie : peut-on se penser soi-même comme un autre ?
- Guillaume Le Blanc est professeur de philosophie à l'université de Bordeaux III. Il est notamment l'auteur de Vies ordinaires, vies précaires (Seuil, 2007)
Parmi les questions qui se posent à l'humain, celle de son monde intérieur est l'une des plus mystérieuses.
Vouloir, penser, sentir, imaginer : l'âme est l'ensemble de ces activités mentales, animées dans un mouvement continu, une façon de tenir ensemble les différents éléments de l'esprit, de les mettre en mouvement. Défaire ce qui nous fait et refaire autrement, c'est le travail de l'âme. Elle ne gît pas en nous, elle s'invente dans ce que l'on crée. Mettre en oeuvre ce que l'on se représente de notre vie, ne pas avoir peur de l'autre ni de soi-même, c'est accueillir tout ce qui vit en nous.
Ce livre peut être lu comme une réflexion sur le statut de l'anthropologie.
Souvent, l'analyse des actes humains se tourne vers l'investigation de formes symboliques et culturelles, largement dépouillées de tout ancrage naturel. Mais on peut adopter une autre démarche, dans la tradition inaugurée par Auguste Comte. On attribue alors au concept de vie un rôle majeur, et c'est en fonction des phénomènes organiques que les phénomènes humains sont appréhendés. Il s'ensuit une véritable réforme de l'anthropologie.
Celle-ci a pour condition une philosophie biologique et médicale qui fait apparaître la vie comme puissance d'individualisation et production de normes. Elle trouve son accomplissement dans une théorie de l'innovation sociale. Telle se présente la philosophie de la vie de Georges Canguilhem qui va du vital au social. Le centre de gravité de l'anthropologie se déplace d'une analyse linguistique ou artificialiste des faits sociaux vers une compréhension des types d'activité produits dans la vie.
Une invitation à repenser les bases philosophiques de toutes les sciences humaines.
Pendant longtemps, Canguilhem fut considéré non seulement comme un grand historien des sciences mais aussi, à la suite de Bachelard, comme le philosophe de la rationalité épistémologique. Or les questions de la maladie et de la santé, développées dès 1943, présupposent, au fondement d'une telle rationalité, une philosophie première dont dépend l'épistémologie critique.
Cette philosophie réside dans la relation construite par Canguilhem entre vie et norme d'une part, vie et connaissance d'autre part. La vie est création de normes, il n'y a pas une normalité, vitale ou sociale, mais des formes de vie multiples, déterminées et comprises à divers titres par l'appartenance des individus à une société. Comment la critique d'une normalité unique permet-elle d'aboutir à une reformulation philosophique de l'être-en-vie, tant biologique que social, c'est l'entreprise souveraine qui commande le livre de Canguilhem, sans cesse repris et remanié, Le normal et le pathologique, dont nous proposons la relecture.