marc chenetier
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Lily Bart, orpheline ruinée, cherche désespérément à faire un beau mariage pour assurer sa position sociale. Cependant, difficile de naviguer dans les courants traîtres d'un monde fondé sur les apparences. Tiraillée entre son éducation futile et ses idéaux de liberté, d'amour et de grandeur, Lily évolue jusqu'à l'inévitable au milieu des bals somptueux, des dîners extravagants. Détruite par le scandale, minée par des dilemmes moraux, elle devient le symbole d'une vie violentée. À sa sortie en 1905, ce grand roman de moeurs a suscité la controverse mais a rencontré un succès immédiat. Situé dans la haute société new-yorkaise du XIXe, où seule compte la richesse affichée, La maison de liesse explore l'impact des normes sociales sur le destin des femmes. Dans cette nouvelle traduction, Edith Wharton est au sommet de son art, subtilement cynique et bouleversante.
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« Elle est là, autour de vous. Ne passez pas à côté - l'immédiat, le réel, le nôtre, le vôtre, celui du romancier qu'il attend... Faites New York ! » (Henri James à Edith Wharton, 1902).
Sur le conseil du romancier Henry James, l'Américaine Edith Wharton jette une lumière crue et révélatrice sur l'aristocratie new-yorkaise, saisissant à la fois la haute comédie qui s'y joue et les contradictions qui l'animent. Autrice de poèmes et de nouvelles déjà parus dans des magazines littéraires de renom, elle porte désormais un regard acéré sur la mondanité, les convenances et l'étiquette, les règles du jeu social, l'hypocrisie, la cruauté et la corruption qui gangrènent la bonne société, celle de l'argent et des affaires, qui l'a vue naître et grandir. Au fil des récits (romans et nouvelles), avec un sens aigu de la satire, elle décrypte la quintessence même de son milieu et son esprit clanique, les luttes impitoyables et les menaces feutrées que fait peser sur l'ancien monde l'arrivisme conquérant d'une nouvelle caste, celle du nouveau riche.
Plus qu'une ville de naissance, New York sera à jamais pour Wharton une muse, aussi capricieuse qu'exigeante, qui l'inspirera même après son installation définitive en France en 1913. La fresque historique qu'offrent ici les trois romans et un recueil de nouvelles, parus entre 1905 et 1924, plonge le lecteur au coeur d'une société aussi fascinante que détestable, dont les failles morales se dissimulent derrière les apparences d'une probité candide, depuis les années 1840 jusqu'aux lendemains de la Première Guerre mondiale. Et avec cette édition Quarto et les documents d'archives inédits qui l'illustrent, l'occasion unique de découvrir le parcours d'une des romancières les plus marquantes de son temps, un véritable esprit libre. -
Trilogie New-Yorkaise
Paul Auster, Marc Chenetier, Jean Frémon
- Actes Sud
- Littérature Anglo-Américaine
- 27 Novembre 2024
- 9782330198664
De toutes les qualités qui ont justifié le succès de la "Trilogie new-yorkaise", l'art de la narration est sans doute la plus déterm inante. C'est qu'il suffit de s'embarquer dans la première phrase d'un de ces trois romans pour être emporté dans les péripéties de l'action et étourdi jusqu'au vertige par les tribulations des personnages. Très vite pourtant, le thriller prend une allure de quête métaphysique et la ville, illimitée, insaisissable, devient un gigantesque échiquier où Auster dispose ses pions pour mieux nous parler de dépossession.
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Jack London, romans, récits et nouvelles Tome 2
Jack London
- Gallimard
- Bibliotheque De La Pleiade
- 13 Octobre 2016
- 9782070146482
Nul n'est plus difficile à saisir que Jack London. Écrivain populaire, selon un étiquetage hâtif, lu dans les foyers plutôt qu'à l'université, mal édité aux États-Unis, pourtant traduit dans toutes les langues, connu et aimé dans le monde entier, il semble appartenir, plutôt qu'à la littérature, à un imaginaire collectif où la dénomination «Jack London» incarnerait l'esprit d'aventure sous ses formes les plus violentes. Sa vie, menée à un train d'enfer, est souvent confondue avec ses livres, l'ensemble composant une sorte de légende hybride dans laquelle «la vie» ne cesse de l'emporter en prestige sur des ouvrages qui n'en seraient que la pâle imitation. C'est oublier que les équipées du jeune London sont inspirées des récits héroïques lus dans son enfance : la littérature précède et commande la carrière tumultueuse du jeune aventurier risque-tout. Ses livres sont les produits d'une authentique volonté créatrice. Mais il faut être juste : London, mythographe de lui-même, n'a pas peu contribué à cette confusion. L'autodidacte, l'ange au corps d'athlète, l'écrivain-chercheur d'or, l'écrivain-navigateur, le reporter, le prophète de la révolution socialiste, le gentleman-farmer - les images qui composent le mythe sont largement une création de cet homme acharné à goûter de toutes les intensités que la vie peut offrir. Revenir aux textes de Jack London et le rendre à la littérature, telle est l'ambition de ces volumes, enrichis de la totalité des illustrations et photographies des premières éditions américaines. Les traductions, nouvelles, s'efforcent de ne pas atténuer les étrangetés d'un style que l'écrivain a souvent déclaré s'être forgé sans autre maître que lui-même. Tous les genres que London a abordés sont représentés : le roman, le récit, le reportage, l'autobiographie. Une place importante a été faite à la nouvelle : on propose en tout quarante-sept proses brèves, et c'est peut-être par là qu'il faut commencer pour saisir ce que London demande à l'écriture de fiction.
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Romans, nouvelles et récits Tome 2
Francis Scott Fitzgerald
- Gallimard
- Bibliotheque De La Pleiade
- 20 Septembre 2012
- 9782070137466
Cette édition propose tous les romans publiés du vivant de Fitzgerald, à quoi vient naturellement s'ajouter Le Dernier Nabab, «roman inachevé», dit-on généralement, alors qu'il s'agit plutôt d'un chantier littéraire : l'organisation interne de l'oeuvre posait à l'auteur des problèmes qui n'avaient pas encore été résolus au moment de sa mort, le 21 décembre 1940. Le texte est ici retraduit sous le titre figurant sur le dactylogramme laissé par Fitzgerald : Stahr. A Romance, et il est suivi de documents permettant de mieux cerner le projet dont il est le vestige. Fitzgerald a également publié quatre recueils de nouvelles - auxquels le public français n'a jamais eu véritablement accès : alors que leur auteur les avait conçus et revus avec soin, dans l'espoir de corriger sa réputation (équivoque) de collaborateur des magazines de grande diffusion, ils n'ont jamais été traduits en l'état dans notre langue. On découvrira donc ici Garçonnes et philosophes, Contes de l'âge du jazz, Tous les jeunes gens tristes, Quand sonne la diane, et c'est, par exemple, au sein des Contes de l'âge du jazz qu'on lira des nouvelles aussi célèbres que «Le Diamant gros comme le Ritz» ou «L'Étrange Histoire de Benjamin Button». S'ajoutent à ces recueils les Autres histoires de Basil et de Josephine, fictions non recueillies liées à Quand sonne la diane, et les Histoires de Pat Hobby, que Fitzgerald publia dans la presse puis révisa afin de les faire paraître en volume ; la mort, là encore, empêcha la réalisation du projet. Enfin, figure au tome II, sous l'intitulé Récits, un choix d'articles ou d'«essais personnels» (à caractère autobiographique) publiés dans divers périodiques entre 1924 et 1939 et jamais réunis par Fitzgerald. C'est dans cette section qu'on lira la célèbre «Fêlure», parue dans Esquire en 1936 : l'aveu, par l'écrivain fatigué et amer, de sa dépression. Que la première édition française respectant les choix éditoriaux de Fitzgerald paraisse près de trois quarts de siècle après sa mort a de quoi surprendre. C'est pourtant explicable. Les contemporains de l'écrivain n'ont jamais vraiment su que faire ni que penser de son oeuvre, et les clichés qu'ils ont répandus (peintre habile mais superficiel, «inventeur» d'une génération, etc.) ont eu la vie dure. Depuis, ces jugements ont été révisés à l'occasion de réévaluations successives, mais «le mythe Fitzgerald» (élaboré avec la complicité de l'intéressé) continue, dans une large mesure, à faire écran. Sans doute disposons-nous à présent de la distance nécessaire pour entreprendre de dégager la littérature de Scott Fitzgerald de ce qui la masque. Telle est l'ambition dont ces deux volumes voudraient être les instruments.
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Ultime volume dans la saga du héros de Charyn Isaac Sidel. Depuis Marilyn la Dingue, roman dans lequel il était inspecteur à la Criminelle de New York, Isaac a fait son chemin. Il est devenu commissaire principal de la police, puis maire de New York. Et voilà que par un concous de circonstances, il se retrouve... à la Maison-Blanche, le candidat élu n'ayant pu être intronisé.
Un roman d'espionnage délirant, noir et grinçant. Une comédie du pouvoir qui résonne étrangement avec la "réalité" de la présidence Trump. L'écriture électrique et le talent de conteur de Jerome Charyn sont à l'oeuvre dans cette grandiose conclusion de la saga.
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« Ce fut bientôt une avalanche qui déboula sans crier gare sur l'homme et sur le feu, et le feu fut effacé ! À l'endroit où il avait brûlé, il n'y avait plus qu'un manteau de neige fraîche informe. » Dans le Klondike, territoire hostile et désertique du grand Nord américain, un chercheur d'or prospecte, accompagné de son chien. Mal préparé à la rudesse de l'hiver, l'homme se laisse surprendre par le froid et n'a d'autre choix que de faire un feu pour survivre. Mais l'isolement et le manque d'expérience vont bientôt le plonger, lui et son animal, dans une situation critique.
Ce court récit d'aventure est un instantané de l'oeuvre de Jack London ; l'épopée vers le grand Nord, la survie dans des conditions extrêmes et le lien entre l'homme et l'animal sont des thèmes chers à l'auteur que l'on retrouve notamment dans ses romans L'Appel sauvage et Croc-Blanc.
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Il s´agit ici d´une édition critique de l´Autoportrait dans un miroir convexe qui révèle John Ashbery au grand public en 1975 : le livre reçoit simultanément les trois plus prestigieux prix littéraires américains, le Pulitzer Prize for Poetry, le National Book Award for Poetry et le National Book Critics Circle Award for Poetry. L´Autoportrait dans un miroir convexe tire son nom d´un long poème, méditation métaphysique de l´auteur sur l´autoportrait réalisé en 1524 par le peintre italien Parmigianino. Il s´agit, comme dans les autres poèmes du livre, d´une partie de cache-cache du poète avec ses images, ses ombres et ses formes. Ce jeu sérieux et drôle mène parfois, au détour d´un vers, au sourire mélancolique du poète qui invite le lecteur à se regarder lui aussi dans le miroir du poème. Cette nouvelle traduction est suivie d´essais d´écrivains et universitaires qui ont côtoyé John Ashbery et ont contribué à le faire connaître en France.
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«Fais-moi plaisir et change la couleur de tes pensées avant qu'elles ne s'enflamment» : nous voilà prévenus, ce livre comporte de graves risques inflammatoires pour la rétine comme pour l'esprit. John Yau nous en fait voir de toutes les couleurs, lançant sa «machine de mots» sur le chemin de la peinture où l'on croise Hieronymus Bosch, J. M. W. Turner, Francis Bacon, Yves Klein, entre autres. Ce livre est une invitation à «tremper» dans la peinture «avant que les mots ne domestiquent cette expérience» : si les peintres prennent ici la parole, les poètes se font aussi entendre, des auteurs chinois de la dynastie Tang menés par Li Po et Tu Fu jusqu'à Dickinson, Baudelaire, Mallarmé, Trakl. Il ne s'agit pas pour autant d'une «lutte» pictura poesis: les mots sont trop conscients de leur matière verbale pour vouloir rivaliser avec les images.
Dans cette poésie tendue entre le visible et le lisible, les couleurs sont invitées à muter pour devenir «des êtres humains / des individus hautement évolués.» Nous frayons alors avec ces personnages d'un nouveau genre, quitte à en retirer quelques joyeux bleus. Quant au personnage principal du poète lui-même, il se joue de nous dans une galerie de «portraits manquants» : sa biographie «raconte l'histoire de quelqu'un qu'il n'a jamais rencontré» et les seules confessions offertes sont celles d'un «sac à provision recyclé.»
Dans le jeu de miroirs et d'images de John Yau, peut-être est-ce alors «une entreprise idiote / d'essayer de mettre des mots sur des idées». Le poète corrige aussitôt cette pensée en nous demandant : «ne vous êtes-vous pas parfois trouvés avec moi / Tout au fond d'une flûte de champagne ?» Au fil des pages, nous nous égayons en effet dans le mousseux des mots : Une autre façon d'écrire sur le sable est un livre qui pétille, un livre de fête. -
Rien n'arrête l'ascension du célèbre commissaire Isaac Sidel. Devenu maire de New York, le voici viceprésident des Etats-Unis, en attente d'investiture ! Heureusement (ou malheureusement) pour lui, il est beaucoup plus populaire que le président élu, Michael J. Storm, un affairiste qui traîne quelques casseroles.
Son succès suscite bien des jalousies et, de fait, un tueur à gages - le « Dieu » du titre - est chargé de l'éliminer. Mais il en faut plus pour déstabiliser Isaac qui peut toujours compter sur son fidèle Glock, sur des tripotées d'enfants (dont une surdouée qui confectionne de divins sablés au beurre), et sur sa capacité à tomber amoureux d'aventurières louches et flamboyantes. Surnommé « Isaac le Pur » il y a déjà bien longtemps, le vice-président n'a pas l'intention de laisser le Bronx en pâture aux requins.
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Lucy Gayheart
Willa Cather
- Rivages
- Rivages Poche : Bibliothèque Étrangère
- 5 Janvier 2011
- 9782743621803
À l'âge de 18 ans, Lucy Gayheart part étudier le piano à Chicago. Elle est belle, impressionnable, avec un tempérament ardent, ce qui attire l'attention de Clément Sebastian, célèbre ténor plus âgé qu'elle qui décide de la prendre comme accompagnatrice en remplacement de son pianiste habituel, en convalescence.Très vite se noue entre eux une relation qui dépasse le cadre de la simple collaboration. Il voit en elle une fraîcheur qu'il n'a plus, et exerce sur elle la sinistre fascination de celui qui sacrifie tout pour retrouver la gloire une dernière fois. Tendu vers ce but, il accepte une tournée en Europe puis une série de concerts à New York où Lucy le rejoindrait. Malheureusement, il trouve la mort dans un tragique accident. Laissant Lucy inconsolable.De retour chez son père, Lucy n'a plus goût à rien. Les voisins jasent, et son ami d'enfance, Harry Gordon, ne lui adresse plus la parole depuis qu'elle a refusé sa demande en mariage. Pourtant Lucy aimerait avoir quelqu'un à qui parler. Ses relations avec sa soeur Pauline sont de plus en plus difficiles. Un jour, après une violente altercation avec elle, Lucy fuit la maison pour aller faire du patin à glace. La glace, trop molle, cède sous Lucy qui meurt dans l'eau gelée.Dans ce roman écrit en 1935, Willa Cather signe une série de variations sur les thèmes récurrents de son oeuvre : la perte de l'innocence, la dichotomie ville/campagne, et toujours ce même sentiment d'exaltation qu'éprouve une jeune fille en quittant sa petite ville de province pour conquérir le monde avec son art.Willa Cather a obtenu en 1922 le Prix Pulitzer pour L'Un des nôtres (BER nº285). Son art d'éprouver et d'exprimer l'éveil d'un être et d'une conscience l'a consacrée comme l'une des grandes romancières du XXe siècle, à l'instar de Virginia Woolf, d'Eudora Welty et d'Edith Warthon.Tous les ouvrages de Willa Cather disponibles en français sont publiés chez Rivages.
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Après El Bronx, Jerome Charyn poursuit dans Citizen Sidel la saga d'Isaac qui, après des débuts comme inspecteur de police à New York, est devenu commissaire puis maire de la ville. Un personnage dont Charyn dit : « J'aime à le définir comme une sorte de Don Quichotte qui combat des moulins à vent auxquels sont accrochés des lames de rasoir et des bombes à retardement. » Voici donc le Don Quichotte en campagne électorale, colistier démocrate de J. Michael Storm, homme d'affaires aux multiples casseroles et roi du base-ball. Que celui qui est surnommé « Isaac le Pur » s'allie à un personnage aussi corrompu a de quoi surprendre, mais il ne désespère pas de redresser quelques torts et de faire triompher ses idéaux, même si sa tête est mise à prix, même s'il doit croiser le fer avec toutes sortes d'ennemis dans les rues de Manhattan, depuis le FBI qui lui met des bâtons dans les roues jusqu'à Margaret Tolstoï, amour de jeunesse et redoutable tueuse à gages.
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Un recueil comprenant des poèmes comme At North farm, Merci de ne pas coopérer, Les puristes objecteront, Quoi que ce soit, où que vous soyez, ou encore Vague, par le représentant de l'Ecole de New York des poètes.
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Le commissaire Sidel vient d'être élu maire de New York, mais un mois reste à courir avant sa prise de fonction. Alors il s'enfonce dans les bas-fonds de la ville, déguisé en clochard, sous le pseudonyme de Geronimo. L'idée, c'est d'aller voir de près quels sales coups peut bien préparer le gang des Knickerbocker Boys. Là-bas resurgit Anastasia, alias Margaret Tolstoï, le grand, le seul amour d'Isaac Sidel, qui a grandi rue du Petit-Ange à Odessa. Elle a fait du chemin depuis.Mais on ne raconte pas un roman de Jerome Charyn. On se laisse emporter, bousculer, charmer, surprendre...
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Marian Forrester est la belle Américaine parfaite. Son mari, nettement plus âgé qu'elle, a été l'un des fondateurs des chemins de fer trans-Etats. Ils habitent une confortable maison dans un coin reculé de l'Ouest sauvage américain. Mais un jour, tout s'écroule : son mari est victime d'un désastre bancaire et d'une attaque. Pourtant, la Dame perdue continue de donner le change. Un personnage comme Willa Cather sait les camper.
Séduisant et troublant
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Francis scott fitzgerald : ecrivain du desequilibre
Marc Chenetier
- Belin
- 17 Février 2000
- 9782701127156
Bien que Francis Scott Fitzgerald demeuré aux yeux de beaucoup le chroniqueur de l'" Age du Jazz ", son écriture dépasse largement la peinture sociale ou l'évocation métaphorique de la mort du rêve américain.
Derrière l'insouciance de l'Amérique des Années folles, la fracture qu'il décèle en traduit une autre, plus fondamentale : celle de l'individu. Jouant des zones d'ombre, son esthétique traque l'indicible, interroge l'être, intensément, et, sans relâche, l'acte d'écriture.
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«On leur céda une souricière dans l'allée des Étrangleurs, l'ancien Paradiz, où Chaliapine avait chanté avant de partir en exil. L'endroit grouillait de rats et toutes ses issues étaient condamnées avant que la troupe des Comédiens Voyageurs de Tiflis n'y débarque pour six semaines de représentation. Leur régisseur, Boris Nikolaïevitch Touchkov, avait magouillé avec les dirigeants géorgiens du Parti. Son unique triomphe, il l'avait connu avec Le Roi Lear. Et voilà qu'à présent il amenait Lear à Moscou».
C'est une production plutôt risquée... Jouer une pièce ayant pour sujet un vieux roi gâteux, veuf et père de Cordelia alors que Staline approche de la soixantaine, que sa femme est morte, qu'il a une fille jeune et qu'il est aussi secret que Lear, n'est-ce pas très dangereux ? D'autant plus qu'embusqué dans son bureau du Kremlin où est allumée en permanence une lanterne verte Staline contrôle tout, surveille les moindres faits et gestes de ses «sujets», et en particulier les artistes, tous colporteurs d'idées vite jugées subversives...
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«Elle avait depuis longtemps l'habitude de tomber amoureuse de menteurs, de bandits et de braqueurs de banque... Mais jamais personne ne l'avait embrassée comme Don Rubben. Personne ne lui faisait autant frémir les jambes, ne savait engloutir son visage de cette façon...»Yolanda est en prison - une petite attaque à main armée qui a mal tourné. La police lui propose un marché : la liberté si elle l'aide à retrouver la trace de Ruben, son cousin dont elle était amoureuse à sept ans, devenu un des chefs du cartel de Medellin. C'est dans les rumbeaderos, les écoles de tango, qu'elle va le chercher parce qu'elle sait à quel point cette musique-là lui colle à la peau depuis toujours.Et il n'y a plus qu'à se laisser entraîner dans le tourbillon de la langue de Charyn, au fil d'aventures défiant l'imagination la plus enfiévrée.
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«Nous étions installés au comptoir, juchés sur nos tabourets, lorsque Sarah Dove entra, venant de la garenne de pièces, sur l'arrière de l'immeuble, qui tenait lieu d'appartement à Tully. Elle portait un peignoir de couleur foncée avec rien en dessous, hormis la chair voluptueuse qui la caractérisait. L'odeur musquée de son corps faisait de véritables ravages chez les gamins de douze et treize ans que nous étions. Elle se mouvait à la manière d'un serpent musculeux. Elle avait le nez de travers et les prémices d'un double menton. Mais cela ne faisait que rendre Sarah Dove plus désirable encore, même si le mot désir était un terme vague, trop faible pour dire l'étendue et l'intensité de nos éruptions mentales et physiques. Mon esprit à moi, en tout cas, était un volcan de mélancolie. "Salut les mômes. Qu'est-ce que vous faites de beau ?" Elle retroussa l'une de ses manches, faisant ainsi apparaître les petites boursouflures bleues qu'elle avait sur le bras et qui la transformaient en icône ambulante.»
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Des ombres sur le rocher
Willa Cather
- Atelier Alpha Bleu
- Alpha Bleue Etrangere
- 25 Mars 1998
- 9782864690948
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Un lanceur de couteaux transgressant les limites de son art, un homme marié à une grenouille, un enfant virtuose du tapis volant.
Dans ces douze nouvelles mêlant la fable métaphysique et le récit d'aventure, l'auteur de Nuit enchantée entraîne le lecteur dans une visite fascinante et dérangeante de notre quotidien et de notre imaginaire. On retrouve ici ses thèmes favoris :
L'artiste dévoré par son oeuvre pour avoir recherché la perfection ; l'enfance de plain-pied avec le surnaturel, le monde de la nuit et du songe ; le rêve américain, sa promesse du « tout est possible », ses échecs cruels ; l'irrésistible et dangereux attrait d'un envers du réel, un monde de ténèbres accessible aux seuls audacieux.
L'écriture est comme toujours magistrale : acérée, précise et poétique à la fois, d'une grande musicalité.
Avec son univers très particulier où réalité et imaginaire s'interpénètrent et se confondent, Millhauser demeure un virtuose du rêve éveillé.
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" L'Amérique n'a jamais été aussi fictive qu'en ses débuts oubliés, du temps qu'elle était lune et Endymion son roi.
" Son histoire, à peine amorcée, bifurque en 1590, dans le jardin de Virginie. Six ans après la découverte émerveillée d'un monde dont le mathématicien Thomas Harriot se fera le scrutateur savant, la colonie de Roanoke disparaît mystérieusement aux regards de John White, artiste-peintre et gouverneur. Trente ans plus tard, la " plantation " de Plymouth imposera son décalque de modèles anciens sur une terre neuve.
Mais fonder l'Amérique sur la vision puritaine, c'est un peu comme confier la gestion de l'Eldorado au Père Goriot, préparer l'abaissement du songe en " rêve américain ". On n'aura, tout compte fait, droit qu'aux Etats-Unis.
Dans un récit composite qui se voudrait " lavis, aquarelles, aquarêves " et où se mêlent souvenirs, fiction et événements d'un lointain passé, La perte de l'Amérique fait de " la Colonie Perdue ", oubliée des chroniques, la métaphore centrale de cette élégie pour une Amérique évanouie, de ces lettres d'amour et d'adieu au continent du rêve.
Une langue baroque y cherche " des couleurs laissant voir le papier, des phrases pâles, une parole grise où se détacheraient la moindre des roseurs, la verdure la moins crue, le plus léger des fards, le bleu d'une échappée ".
Un homme, au rêve habitué, vient ici parler du rêve, qui est mort.
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Steven Millhauser, né en 1943, est l'auteur de trois romans, d'un ensemble de contes, d'une novella à l'étrange musique et de cinq recueils de nouvelles.
Ses livres, traversant le familier, l'enchantent. Prince de divers empires, "refusant de n'être pas Dieu", il nous parle d'univers impossibles, de rêves extravagants, de désirs interdits. La miniature, l'enfance, les arts, tous les royaumes et tous les tours de l'imagination : de l'immense au minuscule, son attention chaleureuse enrichit notre monde de ce que nous ne voyons plus, de ce que nous pensions avoir oublié.
Nous émerveille.
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Isaac Sidel, personnage emblématique de l'univers de Jerome Charyn, est revenu après une période d'absence romanesque. On l'avait connu inspecteur puis commissaire de police ; une irrésistible ascension l'a propulsé maire de New York, presque malgré lui. Il rêve de sortir les enfants des quartiers pauvres de l'engrenage de la violence et du crack pour les ramener sur les bancs de l'école grâce à « Merlin », un programme de développement éducatif.
Dans l'immédiat, il doit résoudre le problème des Yankees, les joueurs de base-ball du Bronx ; ils se sont mis en grève, ce qui menace de faire exploser le quartier qui n'a pas besoin de ça. En effet, avec la pauvreté grandissante, des gangs et des flics ripoux s'y affrontent. Cette guerre sanglante est chroniquée par Angel, alias Aliocha, un gamin latino qui peint des fresques extraordinaires en hommage à ses potes tombés sur le champ de bataille. Il signe d'un « A » caractéristique, et Isaac, frappé par la beauté de ces oeuvres, voudrait bien mettre la main sur lui pour en faire son joker dans son combat contre la violence et l'illettrisme. Mais même pour l'ancien commissaire, il devient de plus en plus difficile de distinguer amis et ennemis dans la jungle urbaine...